Se sentir sale et difficulté à se laver

[SuzanneJL]

Bonjour,
Je suis toute nouvelle sur le forum et je cherche des témoignages, conseils, suggestions sur le sujet suivant.

Il y a quelques mois, j’ai fait une levée d’amnésie traumatique (inceste dans ma petite enfance) mais j’ai encore très peu de souvenirs (le chemin est long et éprouvant, j’avance comme je peux, à mon rythme).

Je réalise alors qu’il y a certaines choses que je vis depuis longtemps qui aurait pu m’alerter et notamment le fait de me sentir sale en permanence. Je précise que c’est mon corps que je trouve sale et pas ce que je fais (en gros, non, pour moi, la sexualité n’est pas sale).
Mais contrairement à l’image qu’on associe aux victimes de viol se sentant sale, je ne me lave pas compulsivement (et c’est pour ça que je n’ai jamais tilté...)

Bien au contraire, j’ai le plus grand mal à rentrer dans la douche (et à en sortir...) car quoi que je fasse, je me trouve sale, je sens mauvais, etc... Donc à quoi bon.
Au moment où je coupe l’eau de la douche (voir avant) je me sens déjà sale. Je n’arrive pas à m’appliquer de la crème car j’ai l’impression de l’étaler sur ma peau sale, impossible de me coiffer, maquiller, coccooner...
Prendre une douche me demande un effort mental monstrueux donc impossible à faire tous les jours.

C’est difficile d’en parler car j’ai honte et je n’ai jamais entendu de témoignage de victimes dans ce sens (mais toujours dans le sens du lavage compulsif). Suis-je la seule ? Avez-vous des conseils pour me sentir un peu plus propre ?

Merci d’avance pour vos retours 😘

[Alexandra]

Bienvenue sur le forum,

Je pense qu'il faudrait voir qu'il n'y a pas une raison physique d'abord (par exemple, certaines personnes ont des problèmes de régulation de sueur). Si ce n'est pas le cas, la raison est certainement psychologique. Un abus cause un traumatisme et dérègle le cerveau d'une certaine façon. Toutes les victimes n'ont pas les mêmes symptômes, le traumatisme se manifeste d'une façon unique pour chaque personne.

Si ton sentiment de te sentir sale est lié à ton abus, prendre une douche ne va pas aider car tu te sens sale dans ta tête. Ca va t'aider à garder ton corps propre, mais pas forcement enlever le sentiment de te sentir sale car c'est dans ta tête. Avancer dans ton processus de guérison aidera peut-être avec ce sentiment car tu adresseras ton traumatisme.

Quelles sont d'autres choses qui sont difficiles pour toi?

[Bee]

Bonjour Suzanne et bienvenue,

Je suis d'accord avec Alexandra, je pense que c'est en avançant dans le processus de guérison, en reprenant confiance en toi, en ton corps, en laissant la honte derrière toi que tu cesseras petit à petit de te sentir sale..

De mon côté, j'ai oscillé entre le lavage compulsif et les très grosses difficultés à me laver parce que je ne supportais pas de me retrouver nue.
Mais avec le temps, en me sentant mieux dans mon corps et dans ma vie en général, c'est passé progressivement.

La levée de ton amnésie est toute récente.
Comme tu le dis, le chemin est long et éprouvant..

En as-tu parlé à des personnes de ton entourage ou à un psychologue ?

Bon courage à toi 

[SuzanneJL]

Merci pour vos réponses 😊

Je me doute que c’est surement uniquement psychologique. Hormis mes parents (🙄), je n’ai jamais eu de remarque sur mon corps ou sur mon odeur.
Donc je sais qu’en soi, ce n’est pas forcément vrai mais je ne peux pas m’empecher de trouver mon corps sale.
La douche, c’est aussi compliqué pour moi, car quand j’étais petite et que j’étais trop excitée, on me mettait sous une douche froide pour que je me calme, donc ça n’aide pas non plus...

Je suis suivie par une thérapeute (la levée d’amnésie s’est faite au cours d’une séance) mais je n’ai pas encore parlé du viol à quiconque et donc de ce problème d’hygiène encore moins. Je sais que c’est important de parler mais je n’ai pas grand monde autour de moi (d’où ma présence ici 😊).

J’espère effectivement que la guérison et l’acceptation m’aideront. Mais comme le chemin est encore long, je voulais voir si il y avait quelques conseils à glaner pour galérer un peu moins en attendant.
Comment est-ce que vous avez appris à aimer à nouveau votre corps ?

Je ne pense pas avoir d’autres choses difficiles pour moi, comme tu demandes Alexandra, mais j’ai « évidemment » d’autres symptomes : maladies auto-immunes, TCA, phobie sociale, etc...
Je ne suis pas sure d’avoir bien saisi la demande 😆

Et de manière générale, vous avez des conseils pour aider le cheminement vers l’acceptation ?

Encore merci !
Bon courage pour vos propres parcours.

[Alexandra]

Est-ce que prendre un bain au lieu d'une douche serait plus facile pour toi? Ca ne résoudra pas le fait que tu te sentes sale car c'est psychologique, mais peut-être que ça rendra les choses un peu plus facile?

[Bee]

Je pense que la clé est de prendre soin de soi, de son corps oui, mais aussi de toi dans ta globalité..
Par petites touches, petit à petit, pour réapprendre que tu y as droit..

Prendre soin de soi par l'alimentation, parce qu'évidemment les TCA sont liés aussi à tout ça, à l'image qu'on a de nous-mêmes. Et ils ne font que renforcer cette idée négative que quelque chose ne va pas avec notre corps, qu'il est trop gros, trop maigre, trop ceci, pas assez cela...

Prendre soin de soi par des activités qui te plaisent au quotidien, t'accorder des petits moments rien que pour toi, pour faire quelque chose qui te plaît..
Faire un sport qui plaît, qui défoule, qui fait du bien au corps et au mental..

Qu'est-ce que tu aimes faire dans la vie ?

[SuzanneJL]

Ça fait longtemps que je n’ai pas pris de bain car je n’ai pas de baignoire 😅
Mais en soi, je pense que l’eau chaude me fait un peu de bien (mais plus dans une piscine ou jaccuzi qu’une baignoire que je trouve trop « serrée ». Oui j’ai des goûts de luxe 😁) et me fais beaucoup dissocier (mais comme beaucoup de monde je suppose).

Hélas, je découvre que je ne me connais pas du tout et je ne sais pas ce qui me dait plaisir, ce qui me fait du bien. J’ai l’ilpression d’être en mode survie, d’être derrière une vitre et de regarder la vie. Et moi, j’attends. Je ne sais pas ce que j’attends, mais j’attends. Par exemple, ce matin, en me réveillant, à part des tâches/corvées/choses obligatoires à faire, je n’ai rien de prévu. Je suis dans la phase tristesse/dépression de mon cheminement et du coup, c’est difficile de me motiver pour trouver des trucs que j’aime.
J’aime lire, c’est ce qui me sauve en ce moment. 😊
Je commence à me découvrir mais par les côtés négatifs (par ex : tiens, j’ai des TCA), j’espère que je découvrirais aussi des côtés positifs.

Vous avez redécouvert des parts de vous pendant votre guérison ?
C’est ça le truc, essayer des activités et voir si on aime ?

Désolée, j’ai l’impression que c’est des questions d’enfant, mais je crois qu’une part du développement de mon vrai moi et de mes émotions n’a pas pu avoir lieu !

Encore merci pour vos réponses et votre gentillesse, c’est dingue de pouvoir en parler 😊

[Bee]

Je comprends ce que tu ressens, cette phase de "survie" un peu passive a duré longtemps pour moi..
Mais on en sort. Et tu as l'air d'avoir sacrément envie d'en sortir 

Je ne savais pas non plus ce qui me plaisait, ce qui pouvait me faire du bien.
J'ai commencé par des trucs tout cons, comme un bon thé bien chaud pour me réchauffer l'hiver. Mmm les thés vanille 
Et avec le temps oui, en essayant des choses, on se (re) découvre.
Il n'y a pas d'âge et il n'est jamais trop tard pour ça !

Un bon bouquin, un bon film, une sortie avec une amie, une heure de sport, une balade en forêt, une nouvelle rando, une crêpe.. Tout ce qui te passera par la tête et qui te fera du bien..

Bon courage à toi 

[intime idée]

SuzanneJL Bienvenue ici,

j'espère que tu trouveras quelques réponses pour t'aider à avancer  ,
et je confirme ce que viens de dire Bee les balades et rando sont très bonnes pour notre équilibre,
et par dessus tout les crêpes sont essentielles et devraient être remboursées par la sécu  ...
Bon dimanche.

[SuzanneJL]

Merci,
C’est malheureusement difficile de trouver ce qui nous fait plaisir et ce qui nous fait du bien quand la phase dépressive nous invite à ne rien faire et à l’absence de motivation... 🙄

[Alexandra]

C'est vrai... mais parfois il faut se forcer. Qu'est-ce que tu aimais faire avant d'être dans cette phase?

[SuzanneJL]

C’est un de mes problèmes, je ne sais pas ce que j’aime, je ne sais pas ce que je veux, je ne sais pas qui je suis.

Je pense que c’est lié à la façon dont on m’a éduqué, j’ai vite appris à me conformer et à ne pas faire de bruit. Puis l’inceste, c’était à 5 ans.
Je n’ai pas beaucoup de souvenir de mon enfance. Et dès mon adolescence, j’ai été la fille un peu déprimée, qui regarde passer la vie et qui attend.

Ça s’est passé comment de votre côté ? On arrive vraiment à ne plus se sentir sale, après toutes ces années ?
Vous en aviez parlé à votre entourage ?

Bref... j’ai fait des crêpes 😁

[Bee]

Bravo pour les crêpes !!
C'est un joli premier pas !
(Et tellement bon...!  )

Oui Suzanne, on arrive à ne plus se sentir sale au fil des années 
On arrive même à ne plus détester son corps, à l'accepter comme il est..
Tu y arriveras aussi.

Ca a été très progressif pour moi, sur plusieurs années, avec des avancées et des retours en arrière, et encore aujourd'hui, il y a parfois des jours "sans" où je me trouve grosse, horrible, sale, nulle mais ça ne dure jamais plus de quelques heures, je sais que c'est temporaire alors je me change les idées et ça finit par passer et revenir à la normale.

[intime idée]

Bref... j’ai fait des crêpes 😁

Bravo!!!

Moi je me balade beaucoup,
et je prends des photos avec mon téléphone,
j'adore, je mitraille tous les jours,
j'observe, je contemple,
ça m'apaise beaucoup en me posant dans l'instant présent,
ça me permet de ne plus penser à rien d'autre....
Pas besoin de beaucoup d'énergie pour contempler

j’ai vite appris à me conformer et à ne pas faire de bruit.

Et dès mon adolescence, j’ai été la fille un peu déprimée, qui regarde passer la vie et qui attend.

J'ai été un enfant et un ado transparent, je suis encore parfois un adulte invisible 
Une fois dans un covoiturage après une heure de route dans un silence absolu seul sur la banquette arrière de la voiture ou j'écoutais parler les deux qui était devant, mon nez a commencé à me chatouiller,
j'ai été pris d'un éternument que je n'ai pu malgré mes efforts retenir...
La conductrice de la voiture m'avait totalement oublié,
elle fut donc effrayée d'entendre éternuer derrière elle
Résultat une embardée sur la 4 voies,
 une centaine de mètres ou la voiture a frotté les glissières de sécurité,
pas de bobos heureusement mais de gros dégâts sur la voiture,
et une engueulade magistrale en plus pour moi,
parce que j'avais éternué et provoqué tout ca ....

Ca m'arrive toutes les semaines en fait,
d'être si discret que les gens s'esclaffent quand ils se souviennent de ma présence subitement,
aujourd'hui j'ai pris le parti d'en rire  , mais pendant longtemps ça m'a vraiment travaillé d'être si invisible pour la majorité des autres  ...