Vouloir trouver une raison

[Cloé]

Bonjour,

J'aimerais savoir si je suis la seule à constater les conséquences que je constate sur moi après avoir été violée. C'est-à-dire que je ne me sens pas traumatisée au sens où mon quotidien n'est pas handicapé par ce qui m'est arrivé, bien que j'aie peur d'avoir des relations sexuelles à nouveau car peur qu'on brise ma confiance à nouveau de cette façon. En revanche, depuis deux ans, il ne se passe presque pas un jour sans que je repasse le film dans ma tête comme pour effacer le passé par la pensée, et pour comprendre son acte, parce que l'explication par l'égoïsme, qu'il m'a donnée, ne me suffit pas.
Pour vous contextualiser : j'ai 21 ans, à 19 ans je suis sortie pendant 8 mois avec un ami de lycée que je connaissais donc depuis 4 ans. Au début, on était sexfriend et tout allait bien. On était notre première fois mutuelle. Je n'étais pas amoureuse mais il a insisté pour qu'on se mette en couple, j'ai fini par accepter parce que de fait, nous étions exclusifs, ça ne changeait rien concrètement. Mais il a commencé à être très insistant quand je ne voulais pas coucher, je finissais par céder contre ma volonté, et quelquefois il employait la force. Une fois, notamment, m'est restée en travers de la gorge, et c'est ce film que je me repasse sans arrêt : je souffre de dyspareunie à une zone gâchette, ano-vulvaire (mais je n'étais pas diagnostiquée à l'époque), parfois selon l'angle la douleur est insupportable (ça brûle atrocement) et il faut sortir de suite, quitte à réessayer deux secondes plus tard. Je le lui dis, en criant puisque j'ai très mal, il ne sort pas ; alors je tente de le pousser, mais il plaque mes poignets en serrant très fort. Je me rends compte que je ne peux plus bouger, ça dure plus longtemps que d'habitude, je ne comprends pas son geste et je commence à paniquer. Je crie toujours à cause de la douleur. Puis je sens les larmes monter, et je ne veux surtout pas qu'il les voie, alors je me concentre pour les ravaler : pour cela, je dois arrêter de crier. C'est à ce moment là qu'il se retire enfin en disant "ok, c'est bon, ça va", l'air énervé. Je me sens donc un peu coupable, j'ai envie de me rhabiller, moi qui ne suis pas pudique j'ai soudain honte d'être nue, et je voudrais qu'il s'en aille tout de suite sans revenir sur ce qui s'est passé ; mais je sais qu'il ne voudra pas, ne comprendrait pas, alors je ne dis rien et il reste chez moi.
Voilà, est-ce que certaines ont aussi ce ressassement incessant comme conséquence d'un viol, comme pour trouver une cause, une explication en vain, plutôt que des syndromes de stress post-traumatique ?
Et pourtant, on a discuté plus ou moins posément ensuite, et il s'en veut. Je me dis que c'est aussi sûrement grâce à ça que je m'en sors bien mentalement. Mais malgré ses explications, j'ai besoin d'une autre raison, car à ce niveau de gravité je ne peux pas accepter que ce soit le simple egoisme qui l'ait emporté, alors que c'était un ami. Je ne comprends pas que, même sans mesurer la gravité de l'acte, on n'arrête pas immédiatement d'insister voire de pénétrer face à des non répétés d'une personne qu'on dit aimer.
Le besoin que j'éprouve surtout maintenant donc, pour avancer, c'est de parler avec d'autres victimes, car je me dis que ce que j'ai vécu n'est pas grave comparé aux "vrais" viols.

[intime idée]

Bonjour Cloé,
ce que tu as vécu est un vrai viol 
Dès que tu exprimes que tu n'es pas consentante,
peu importe que ce soit pour une douleur ou parce qu'a ce moment là tu n'en as pas envie,
si l'autre continue, c'est un viol.
Le viol conjugal existe, il est malheureusement assez courant chez des couples mariés...

Tu le dis au début de ton témoignage d'ailleurs:

je constate sur moi après avoir été violée

Après peut être est ce qu'en "l'édulcorant" un peu,
tu le considères moins traumatisant et ça t'aide à mieux l'assimiler?
C'est aussi le fait de pouvoir en parler avec ton "ami", il essaye forcément de minimiser les faits pour que ça n'aille pas plus loin qu'un incident entre vous...
Tout celà tend à édulcorer, je pense...
Mais je ne suis pas psy, ce n'est que mon avis...

Tu peux aussi avoir su développer seule une forme de résilience,
elle t'a permis de surmonter ce traumatisme seule ou presque...
Je suis moi même résilient, c'est une force,
 mais ce n'est pas une totale panacée.
Je pense que toute résilience à ses failles,
 c'est pour celà qu'il ne faut pas hésiter à mon avis à partager,
 en parler et pourquoi pas te faire aider...
Si tu lis les témoignages laissés au fil du temps ici,
 tu t'apercevras surement que tu te reconnais dans bon nombre d'écrits,
qu'au final même si à la différence de ceux ou celles qui n'ont pas encore su développer leur résilience, notre vie n'est pas totalement anéantie, il n'en demeure pas moins que nous avons de nombreux symptomes communs pour ne pas dire tous...
Seulement nous vivons avec.
Ces symptomes au fil du temps font de nous, malgré nous,
 des gens différents.
Il nous devient compliqué d'avoir une vie de couple de part nos différences...

Il devient compliqué d'avoir des gestes de tendresse, de l'exprimer,
 d'exprimer nos sentiments en général d'ailleurs même envers nos proches...

Coté sexualité, la dissociation s'installe subrepticement durant les rapports, on a l'air absent...
C'est un vrai dilemme pour l'autre qui fini par se poser des tas de questions sur nos sentiments, leur véracité ou non?
 Egalement sur eux même, ils se demandent ce qu'ils ont fait ou pas fait et finissent par douter d'eux, voir se bloquer, ou mettre fin à la relation n'y trouvant pas leur compte  ...

Je te souhaite d'arriver à surmonter tout ça et rebondir du mieux possible...
Bon courage.

[Alexandra]

Ce que tu as vécu est un viol conjugal comme l'a dit Intime   Je me rappelle aussi avoir une tendance à ne pas pouvoir ne pas y penser, mais moi, ce n'était pas forcément un film de ce qui s'était passé comme pour toi. Le pourquoi, je n'en suis pas sûre, peut-être pour essayer de donner un sens à quelque chose qui n'a pas de sens?